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Message Sujet du message: Portrait de Michel Millecamps, décorateur de FRA2
Publié: Sam 26 Juil 2003, 14:49 
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Michel Millecamps, l'envers du décor

LE MONDE TELEVISION du 11/07/2003

Pendant tout l'été, nous publions une série de portraits de professionnels de la télévision qui exercent côté coulisse. Réalisateur, scénariste, chauffeur de salle, preneur de son... Leur rôle est indispensable, mais méconnu du public. Premier rendez-vous avec Michel Millecamps. Ancien de l'ORTF, aujourd'hui chef décorateur à France 2, il a contribué à forger l'image de la chaîne publique.

Ce jeudi 12 juin, Olivier Mazerolles accueille François Hollande, le premier secrétaire du PS, à "100 minutes pour convaincre". A quelques heures du début de l'émission, Michel Millecamps, chef décorateur de France 2, reçoit chez lui, dans le studio Pierre-Desgraupes où machinistes et accessoiristes s'affairent à installer le parquet, le fond d'écran composé de soixante télévisions, les châssis en petit bois et toile de spi...

"Il faudra retirer cinq chaises dans le public car plusieurs invités se sont décommandés", lui signale-t-on au passage.

Un plateau de télévision est un appartement en colocation. Dès le lendemain, des camions y déchargeront les panneaux numérotés d'autres magazines ("Douce France", "Campus", "Des chiffres et des lettres", ...). La veille, Michel Millecamps était à Avignon pour superviser, avec le réalisateur de "Campus", une émission spéciale délocalisée au cloître Saint-Louis. Il s'envolera bientôt pour Toulouse où se transportera l'équipe de "On vous dit pourquoi" pour évoquer, à la Cité de l'Espace, la planète Mars. "Je mettrai des cailloux et du sable rougeâtre. C'est rigolo. On me paye pour ça : des inventions d'enfant !"

Michel Millecamps vient d'avoir soixante ans. Jour après jour, il continue à tracer des plans, à créer des maquettes. Ici, au siège de France Télévisions, ou ailleurs, comme pour les JO, à Lillehammer (Norvège) ou Sidney (Australie). Ses parents le destinaient à une carrière d'ingénieur. Après l'école Boulle à Paris, lui rêvait théâtre et cinéma. Par nécessité et hasard, il entre en septembre 1965 à l'ORTF comme cinquième assistant sur "La caméra explore le temps". "Le plan que j'avais fait pour une reconstitution d'architecture romaine a été qualifié de "torchon"." Les Buttes-Chaumont - "un lieu magique"-, rappellent Hollywood au cinéphile. Le jeune Millecamps apprend le métier avec ferveur au sein d'un service composé d'une centaine de professionnels. "Beaucoup étaient de véritables artistes, des prix de Rome, capables de reproduire une tapisserie de Bayeux sur une toile de jute en huit jours." Une période flamboyante, encore insoucieuse de l'Audimat, où l'on donnait du temps au temps. "On travaillait aussi bien sur des dramatiques de Marcel Bluwal, des variétés dans le studio 17 de Gilbert et Maritie Carpentier, des téléfilms, des reconstitutions de palais vénitiens, ou le "Grand Echiquier" de Jacques Chancel. A cette époque, les gens aimaient la télévision. On est passé de l'épicerie fine à la grande surface."

Pas de regrets, encore moins de nostalgie chez ce créateur qui a vécu des ruptures autrement douloureuses. Après l'éclatement de l'ORTF en 1974 et la dissolution de "la famille", Michel Millecamps traverse, en effet, une "déprime sévère". Oublié dans les affectations, il est repêché in extremis pour faire partie de la nouvelle équipe d'Antenne 2 présidée par Marcel Jullian. A Cognacq-Jay, le faste est révolu et Michel Millecamps relégué dans un bureau minuscule. "C'était la bohème sous les toits avec fuites d'eau."

IMPROVISER, DONNER L'ILLUSION

Les deux plateaux de la chaîne ressemblent à des mouchoirs de poche. "Je me suis souvenu de ce que me racontaient les anciens de l'ORTF sur les débuts de la télé. Finalement, j'étais plongé dans la même situation. Celle d'un pionnier, d'un Méliès. J'ai eu envie de relever le défi. Ça m'a survolté." Il retrousse ses manches. Les décors s'amoncellent dans les couloirs et les escaliers. Les machinistes et accessoiristes montent à la chaîne les fonds légers sur le plateau où se succèdent trois directs par jour, et où bivouaquent en alternance "Aujourd'hui madame", "Les dossiers de l'écran", "Des chiffres et des lettres", "Monsieur cinéma", ou "Apostrophes". "Les producteurs voulaient personnaliser leur univers. Tous me demandaient des décors pratiques et pas chers. Ce refrain, je l'ai toujours entendu." Alors improviser, bricoler, donner l'illusion de la profondeur dans des recoins, imiter un cours d'eau avec des torsades de plastique... A cet égard, rien n'a changé. Qui sait que "Thé ou café", où Catherine Ceylac reçoit le dimanche matin ses invités , est orné de moulures et boiseries jusqu'à mi-hauteur et de trompe-l'œil au-delà ?

Vaille que vaille, Michel Millecamps s'est accommodé de cette rengaine du manque d'argent. Il a signé à ce jour six versions d'"Envoyé spécial". Bien plus encore pour les soirées électorales ou les JT, ceux de Patrick Poivre d'Arvor quand il officiait sur la Deux, de Christine Ockrent, de Bernard Rapp, et de leurs successeurs. "C'est le sujet le plus difficile et le plus ingrat parce qu'il faut rassembler tous les suffrages d'une rédaction pour ce qui est, par ailleurs, la vitrine de la chaîne." Dans le studio A, celui de Claude Sérillon puis de David Pujadas, trône juste une table triangulaire. "J'ai gommé tout ce qui avait trait à la technologie. L'essentiel est celui qui parle." Dans le fond, une vitre où est gravée la ligne des continents ; derrière sont alignés quatre cylindres verticaux transparents où ont été collés des planisphères en adhésif translucide. "A l'origine, ils tournaient sur eux-mêmes Mais ce léger mouvement a été jugé perturbant. Alors, le monde a cessé de tourner...", s'amuse-t-il.

En près de quarante ans, Michel Millecamps a conçu "des centaines, des milliers" de décors. Des créations, des interprétations (la bibliothèque stylisée d'"Apostrophes"), des reconstitutions réalistes (la librairie de "Caractères"), toutes incinérées ou pilonnées après usage, à l'exception de la sphère d'"Envoyé spécial" et de fragments d'"Apostrophes". L'un d'eux est toujours conservé à la Fnac des Ternes à Paris.

Lorsque Antenne 2 a migré, en 1984, avenue Montaigne, Michel Millecamps a imposé, au rez-de-chaussée, une menuiserie de 50 mètres carrés. Une hérésie dans ce temple du luxe parisien. "J'étais assez content de ce tollé, résume-t-il avec un sourire en coin. L'idée d'une telle menuiserie rejoignait dans mon imaginaire les petites cousettes s'employant sous les toits à fabriquer les robes de haute couture." Nouveau décor en 1998. France 2 déménage dans un bâtiment où le verre a remplacé la pierre de taille. Dans son bureau, le 541 de la tour Valin, trône un immense parasol rapporté d'un direct à New York en 1980 et, sous une fenêtre, une réplique du canapé Le Baiser inspiré à Salvador Dali par les lèvres de Mae West. Les speakerines de Cognacq-Jay y prenaient leurs aises. "J'ai aussi trouvé amusant d'y faire asseoir Alain Decaux pour un "Grand Echiquier" sur la francophonie."

Dans les couloirs de France 2, tous saluent ce "pince-sans-rire très aimé". Cet artisan discret, qui a vu défiler douze présidents, garde une passion intacte pour son métier. Aux effets technologiques et images synthétiques des univers virtuels, il a toujours préféré celui des contes. "Je raconte des histoires dans l'espace", confie-t-il. A chaque fois, il privilégie une idée simple, une trame dépouillée du superflu, des lignes épurées, la monochromie. "Je m'oppose au décorum à tout crin. L'écran n'est pas une grande surface. Je préfère jouer sur les volumes et la lumière qui peut colorer les fonds."

L'interprète de ses propres songes se fait quelquefois le traducteur des états d'âme d'autrui. "Un jour de 1996, Paul Nahon vient me voir. Après onze ans d'existence, son émission "Envoyé spécial" qu'il présente avec Bernard Benyamin est jugée vieillotte et risque d'être supprimée. "Trouve quelque chose qui exprime le temps et cette menace", me dit-il." Peu après, apparaît à l'antenne une table de bois de 1,30 m. Il s'agit de la découpe du tronc d'un chêne bicentenaire, strié par les ans, dont Michel Millecamps a conservé l'écorce pour signifier l'enveloppe terrestre. "Envoyé spécial" a poursuivi sa route...

LA MAISON DE BERNARD PIVOT

"Apostrophes" demeure le "plus beau souvenir" de Michel Millecamps. Des paravents, une petite estrade, des étagères : telle fut la maison de Bernard Pivot pendant quinze ans. "Pour moi, il écrivait un livre avec la personnalité qu'il découvrait peu à peu. Le décor était donc blanc, comme une feuille à remplir." Entre Pivot et Millecamps s'est installée une "complicité totale dans le travail" , renforcée par leur collaboration sur les Championnats d'orthographe. "Au début, ils se sont déroulés dans une salle de classe, façon Topaze. Par la suite, des lieux de plus en plus prestigieux ont servi de cadre à la dictée : un bateau-mouche, le Théâtre de Chaillot, la Sorbonne." Plus grandiose encore, l'ONU où Michel installe des pupitres. "L'ONU, vous vous rendez compte ? !"

Avec la disparition d'"Apostrophes" en juin 1990, le voyage s'achève dans la tristesse. A sa façon, le décorateur écrit un épilogue. "J'avais imaginé que j'avais lu un livre par jour depuis le lancement. Soit 5 600 livres. J'ai entassé les maquettes d'ouvrages, partout du sol au plafond." Cette année-là, la profession lui décerne un Sept d'or. Maigre consolation. Si une page se tourne avec "Apostrophes", le livre se referme littéralement à la dernière de "Bouillon de culture" le 29 juin 2001, grâce à des ficelles actionnées par des machinistes en coulisses. Derrière le truculent présentateur se dresse un volume géant. Michel Millecamps y a écrit, de sa main, les noms de tous les romanciers invités, et l'a illustré de photos de décors aménagés pour quelques-uns d'entre eux. Qu'aurait répondu ce créateur de l'ombre au questionnaire de Pivot ? Son mot préféré : "création". Celui qu'il déteste : "Audimat".

Macha Séry



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Publié: Sam 26 Juil 2003, 22:16 
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Inscription : Lun 02 Sep 2002, 23:06
Message(s) : 4131
Merci Pierre pour avoir retranscrit cet article ici ! :)
Très interessant...

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FLoïc


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Message Sujet du message:
Publié: Dim 27 Juil 2003, 20:15 
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Inscription : Lun 02 Sep 2002, 12:12
Message(s) : 3296
Localisation : Paris
Un super article ! Ainsi, c'est lui qui a fait le décor du JT de France2 ! Il n'a rien dit quant au futur décor ?

_________________
Tintin / Alexandre / "Les seuls concours valables sont ceux de circonstance."


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Message Sujet du message:
Publié: Ven 05 Août 2011, 16:11 
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Inscription : Ven 16 Oct 2009, 12:35
Message(s) : 649
je sait que ce topique date mais je voudrais savoir ou je puisse trouver ses coordonnée, car j'aurai une question a lui posé.

_________________
J-10 Avant le retour de l'émission morandini sur direct 8 vivement.


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