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Dorothée aux Flagrants Délires (24/11/1982)
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Auteur:  cosmogol999 [ Mar 20 Juil 2004, 16:07 ]
Sujet du message:  Dorothée aux Flagrants Délires (24/11/1982)

Bonjour à tous !

Ce mercredi 24 novembre 1982, Dorothée est l'invitée du Tribunal des Flagrants délires. Cette célèbre émission de radio, diffusée entre 1980 et 1983 tous les midis sur France-Inter, consistait en une parodie de procès dont étaient victimes des célébrités heureusement consentantes. Elle était animée par Claude Villers dans le rôle du président, Luis Rego alias "l'avocat le plus bas d'Inter" dans le rôle de l'avocat, et surtout Pierre Desproges dans le rôle de l'impitoyable procureur. Suit ci-dessus le réquisitoire de cette affaire.

On pourra s'étonner de la relative indulgence de ce réquisitoire. Nous ferons remarquer que primo, Pierre Desproges aimait beaucoup les jolies jeunes femmes, et que secundo, Dorothée n'était alors qu'une gentille speakerine - la "préférée des Français", selon un sondage de l'époque - qui animait des émissions pour les enfants sur Antenne 2. Un personnage de bon aloi, donc, loin du mercantilisme et de la bêtise crasse du Club Dorothée.



DESPROGES. - Françaises, Français, Belges, Belges, Wallons rouges, Flamands roses, Monsieur le président pour du beurre, Monsieur l'avocat pour de l'huile (d'olive, rance), Mesdames, Messieurs les jurés pour de rire, Public chéri mon amour,

Bonjour ma colère, salut ma hargne, et mon courroux, coucou !

C'était un dimanche après-midi, ou un mercredi après-midi, je ne sais plus. Toujours est-il que je traînais un morne ennui dominical de pièce en pièce à travers la maison, en chaussettes, une canette à la main, un sandwich dans l'autre, cherchant sans y croire l'idée fulgurante d'où jaillirait l'un de ces réquisitoires implacables où la délicatesse nacrée du style le dispute à la clairvoyance rigoureuse de l'analyse austère au lyrisme glacé. Traversant la chambre des enfants, je m'apprêtais machinalement à enjamber ma progéniture abrutie d'images et vautrée sur la moquette pour éteindre le téléviseur barbitural d'où montait sans grâce le beuglement sirupeux d'un chanteur écorché vif.

Quand soudain, Dieu me turlute, vous m'apparûtes.

Vous m'apparûtes, Dorothée mon amour - vous permettez que je vous appelle « mon amour » ? Et je crus défaillir. Je sentis le fa se dérober sous mes pieds alors que normalement c'est le sol, c'est vous dire à quel point j'étais bouleversé. Mes bras tremblaient, mes jambes flageolaient (au gigot, c'est tellement meilleur), bref mes membres - je veux dire la plupart de mes membres - mollissaient.

J'aurais voulu tourner le bouton, car les boutons sont faits pour qu'on les tourne, sinon ça finit par couiller... ça finit par rouiller ! Mais je n'avais de fesse... mais je n'avais de cesse... mais j'étais comme figé devant votre visage, ma bien-aimée - vous permettez que je vous appelle "ma bien-aimée" ? La pétillante exubérance de vos yeux, la troublante malice de votre pipe... la troublante malice de votre bouche à faire les pitres selon saint Matthieu, l'érotisme acidulé de votre voix de gorge profonde - quoiqu'enfantine, mais la valeur n'attend pas le nombre des avalés, l'ourlet gracile de vos oreilles sans poil au lobe, la finesse angélique de votre mou de nez putain... de votre bout de nez mutin, dont la pointe rose se dressait vers la nue comme le goupillon trempé d'amour que monseigneur Lefèvre agite à la Sainte-Thérèse ! Sainte Thèrese qui rit dans la Corrèze...

LE PRÉSIDENT. - Non... !

DESPROGES. - ... Où la paire de maris... où le maire de Paris lui aussi s'ennuie le dimanche en attrapant des champignons.

Mais je m'égare aux morilles, et je m'écarte du sujet. Cette femme, mesdames et messieurs les jurés, m'a rendu fou. Vous m'avez rendu fou, Dorothée, délicieux petit cabri sauvage indomptable - vous permettez que je vous appelle "délicieux petit cabri sauvage indomptable" ? Aaah, cabri c'est fini ! Aaah, Jésus Marie Léon ! Ah, femme étrange, n'abrites-tu point sous la robe austère de la speakerine la plus fine petite culotte de soie noire sauvage, qui comme un écrin de pétales veloutées d'orchidée sauvage maintient dans la chaleur ouatée de son duvet tendre les plus exquises rondeurs charnelles finement duveteuses où la tiédeur exsangue de l'été finissant a laissé la dorure attendrie de ses rayons ultimes ?

LE PUBLIC. - Hou... ! Hou... !

DESPROGES. - Poser son sourire de cigale sur ton corps alangui que ma détresse exalte aux soirs de solitude où tu me laisses anéanti d'impuissance et totalement dérisoire ! Dérisoire devant cet écran glacé où je me cogne en vain comme le papillon de nuit aveugle en rut se calcine la zigounette sur l'ampoule brûlante ! Sur cette ampoule brûlante où la phalène poudrée l'attend, les ailes offertes et le ventre palpitant pour une partie de trompes en l'air...

Il faut me comprendre. Pour toi, je vibre, ô ma soeur ! Vous permettez que je vous appelle "ma soeur" ? Comprenez-moi, comprenez-moi Dorothée, comprenez-moi tous. Des speakerines, il y en a des tas. Et quand je dis "des tas", je baise mes veaux... je pèse mes mots.

Il y a les anciennes, la belle Denise, inamovible, irréfutable, irrémédiable, soudée à sa chaîne comme un débouche-évier sur un sanitaire ! La belle Denise qui a su hisser la littérature française vers les sommets inconnus du sublime avec son ouvrage monumental : "Comme vous, j'aime, je ris, je pleure"... Quelquefois même, elle pète... La belle Denise dont la bouche vaste et profonde n'est pas sans rappeler la grotte de Lourdes.

Il y a aussi la belle Jacqueline, qui s'en souvient ? La belle Jacqueline qui prèfère nous faire entendre aux heures creuses le piano à bretelles plutôt que de décrocher, tant elle bande au néon ?

Il y a encore la belle Cora, qui lèche le timbre sans lâcher l'antenne... Et puis il y a les nouvelles, et je les aime aussi, et je suis prêt à crier : "Vive Fabienne, vive Corinne, vive Germaine, vive Angèle bien sûr !"

Il y a enfin le joli speakerin, beau comme une pub de caleçons dans le catalogue des Trois Suisses. Je dirais en parodiant Brassens :

Chacune a quelque chose pour plaire,
Chacune a son petit mérite,
Mais mon colon, celle que j'préfère,
C'est Dorothée de six à huit.

Ah, Dieu me tripote - lui, tiens ! - ah, Dieu me tripote, Dorothée mon impossible amour, soyez mienne, ma biche - vous permettez que je vous apelle "Bambi" ? Soyez mienne ! Parmi toutes vos copines, vous, si pleinement éblouissante, vous détonnez cruellement, comme un diamant somptueux dans un carré de topinambours, comme un cygne royal entouré de mouettes emmazoutées, comme un ouvrier polonais dans une soirée CGT, comme un lys au pays des merdouilles ! Ah, Dorothée, je vous l'ai déjà dit la première fois que nous nous rencontrâmes, et je vous le redis en recitant Pagnol : "Vous êtes belle comme la femme d'un autre."

Ah, la première fois que nous nous rencontrâmes, rappelle-toi, Dorothée. Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là mais on s'en foutait, on était pas à Brest. C'était à Monte-Carlo, la ville des paniers... la ville des palmiers princiers, la ville des promoteurs couronnés, des plésiosaures grabataires couverts d'or pur et de dollars douteux, la villes des cliquetantes mémères emperlouzées jusqu'au fibrome, la ville des casinos éternels et des princesses biodégradables.

J'étais de méchante humeur. J'étais à Monte-Carlo et je n'avais monté personne. Alors vous êtes entrée, Dorothée, dans le petit studio de radiophonie où je vous attendais. A votre vue, Yves ne fit qu'une promenade. Montand ne fit qu'un tour... pardon, euh, mon sang ne fit qu'un tour. Mince et gracile, vous étiez là, belle comme l'Acropole - vous permettez que je vous appelle "Paul" ? Nous étions seuls et complètement nus, à part les trente personnes et nos vêtements de ski. Comme la colonne de mercure d'un thermomètre sur un poêle, je sentis mon émoi grimper vers les soixante-cinq degrés à l'ombre, on n'avait plus vu ça depuis la grande sécheresse de l'été 1893 à Ouagadougou !

« Tu ne pourras pas assurer cette émission », me dis-je, « il faut te calmer à tout prix ! » Je pris alors une tartine, et fonçai aux toilettes pour me faire une piqûre de pain complet, car je n'avais plus de Penthotal. Et c'est ce qui m'a sauvé. Maintenant fuyez, Dorothée, malheureuse, avant que ça me reprenne. Fuyez, Dorothée, vous êtes belle comme un taxi...

DOROTHÉE. - Oh ! (Elle rit.)

DESPROGES. - Vous permettez que je vous appelle un taxi ?

Donc, Dorothée est coupable, mais son avocat vous en convaincra mieux que moi. (Applaudissements et ovations.)

Auteur:  Stéphane [ Mar 20 Juil 2004, 17:01 ]
Sujet du message: 

Tiens mais j'y pense , il y a des CD du tribunal à la médiathèque ou je suis abonné , je vais refarder si il n'y a pas Dorothée :wink:

(Rien à voir mais quand j'ai été visité le père Lachaise à Paris , la tombe de Desproges part en couilles, apparemment plus personne ne s'en occupe :cry: )

Auteur:  cosmogol999 [ Mar 20 Juil 2004, 17:10 ]
Sujet du message: 

Si ça t'intéresse, Stéphane, le réquisitoire contre Dorothée se trouve dans le volume 4 de la compil'... :wink:

Demain (si vous le voulez bien :D ), je posterai les réquisitoires contre PPDA (le condiment, dixit Desgraupes...), Alain Gillot-Pétré et Léon Zitrone. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'avec ces trois-là, le procureur Desproges n'y va pas de main morte ! :P

Auteur:  aurelfleury [ Mar 20 Juil 2004, 17:16 ]
Sujet du message: 

et bien c'est un collector ca! (enfin pour les fans de Dorothée...)

Auteur:  cosmogol999 [ Mar 20 Juil 2004, 17:20 ]
Sujet du message: 

Ca va Aurélien, t'as réussi à le lire jusqu'au bout, ce réquisitoire ? :lol:

Bah, c'est pas pour me moquer de toi, mais le style de Desproges, je peux comprendre qu'on ait du mal... :wink:
En tout cas tu dois être content qu'on dise du bien de ta présentatrice préférée, non :?:

Auteur:  aurelfleury [ Mar 20 Juil 2004, 18:50 ]
Sujet du message: 

ben oui lol

Auteur:  Stranger [ Mer 21 Juil 2004, 9:46 ]
Sujet du message: 

Ca fait plaisir de voir qu'il y a encore des Desprogiens. Les réquisitoires du volume zéro (PPDA, Zitrone, Gillot-Pétré, De Closet, Pescarollo, Dautin...) sont tout simplement cultes ! Mais beaucoup de jeunes ont (hélas !) du mal avec l'humour de ce grand homme...
A voir : le DVD "Desproges est vivant (portrait codicillaire)", un peu longuet par moment (les stars actuelles lisant du Desproges, ça marche moins bien) mais instructif.

Auteur:  cosmogol999 [ Mer 21 Juil 2004, 14:32 ]
Sujet du message: 

Et les "Chroniques de la Haine ordinaire" ne sont pas mal non plus, avec l'histoire du pangolin qui s'appelait Gérard, celle des bourgeois qui bouffent du saumon empoisonné ou celle de la vieille dame qui hébergeait des oiseaux dans sa salle de bains... :D

A propos, je signale que les éditions du Seuil ont publié tous les écrits de Desproges en format de poche, dans la collection "Points" ! Je recommande chaleureusement "Le petit reporter", d'où est extraite cette brève :

"Un bon point pour le MLF : sur dix pochetrons arrêtés la nuit dernière à Londres, trois étaient des femmes."

:lol: :lol: :lol:

Auteur:  Jayce [ Mer 21 Juil 2004, 14:34 ]
Sujet du message: 

Ah les jeunes connaissent Desproges ? Pourquoi pas Michel Polac tant que vous y etes :shock: Moi je trouve qu'un Djamel Debbouze , un Bigard ou un Julien Courbet sont beaucoup plus pertinents et anti conventionnels :D

Auteur:  cosmogol999 [ Mer 21 Juil 2004, 14:52 ]
Sujet du message: 

Oh oui, tu as raison, Jayce. Qu'est-ce qu'il est gentil quand même, Julien Courbet ! Il défend les petites gens, comme ça, et il leur réclame même pas d'argent ! Si c'est pas du désintéressement, ça ! :D

Et Jean-Marie Bigard, quand il raconte le "lâcher de salopes"... qu'est-ce qu'elles doivent mouiller leur froc, toutes ces pétasses de féministes ! Enfin un comique vraiment impertinent... Coluche a trouvé son maître ! :lol:

Auteur:  Stéphane [ Mer 21 Juil 2004, 16:23 ]
Sujet du message: 

Le Pen avait été invité aussi dans cette émission.Et c'est d'ailleurs la que Desproges avait lancé son célèbre " il y plus d'amour dans l'oeil d'un chien que dans l'oeil de Le Pen"

Auteur:  cosmogol999 [ Mer 21 Juil 2004, 17:12 ]
Sujet du message: 

Non, je crois que cette phrase est extraite de son premier spectacle au théâtre Grévin en 1984... ceci dit, je confirme que le réquisitoire contre Le Pen est particulièrement saignant ! Ce jour-là, Luis Rego n'était pas en reste avec son plaidoyer, "La journée d'un raciste"... :lol:

Par ailleurs, je crois que cette émission des Flagrants Délires a été la seule à avoir été filmée, par Claude Berri me semble-t-il...

Auteur:  Stranger [ Mer 21 Juil 2004, 18:10 ]
Sujet du message: 

Stéphane a écrit:
Le Pen avait été invité aussi dans cette émission.Et c'est d'ailleurs la que Desproges avait lancé son célèbre " il y plus d'amour dans l'oeil d'un chien que dans l'oeil de Le Pen"


La phrase exacte (extraire du 1er spectacle) est : "Je suis sûr qu'il y a plus d'humanité dans l'oeil d'un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son oeil !"

Autres répliques singlantes :
- "Autant je prêterais pas mon peigne à Marchais, autant je prêterais pas mes poux à Le Pen... Il serait capable de les torturer ce con !"
- "Minute, c'est très avantageux comme journal ! [public destabilisé] Non mais c'est vrai ! ... Tenez, au lieu de vous faire chier à lire tout Sartre ! Vous achetez un seul exemplaire de Minute, vous avez à la fois La Nausée et Les Mains sales !"

Quant à Bigard et autres comiques actuels (que j'apprécie également au demeurant), aucun ne soutient la compairaison avec Desproges (comme avec Coluche, mais ça...).

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