Bon, j'en ai suffisamment vu pour me faire un avis. Attention, pavé !
Je commence en réagissant à la déclaration d'Anne-Claire Coudray sur les lèvres du présentateur. C'est à mon sens un faux problème, d'autant qu'ils font parfois l'inverse de ce qu'ils préconisent.
C'est d'abord un faux problème parce que les écrans des télévisions dans les foyers sont de plus en plus grands, déjà en 2015 plus de 67 % des écrans de télévision français font au minimum 82 cm de diagonale, selon UFC-Que choisir. Et si l'on prend les écrans de smartphones et de tablettes, la tendance est la même : leurs tailles augmentent. Et ils se consultent beaucoup plus près du visage qu'une télévision.
Bref, ce n'est pas un argument logique pour faire cet immonde gros plan qui ouvre le 20h et qui reste pendant une bonne partie du journal. Un plan poitrine comme dans la version précédente du plateau est amplement suffisant, d'autant qu'on ne profite alors pas du décor. Quel intérêt ? Autant mettre le présentateur dans un cagibi avec une affiche de Paris, et ça suffira. On note que désormais la tête de la Tour Eiffel est coupée, ainsi que son phare qui apportait aussi de la vie dans la boucle vidéo. Comme l'impression aussi que les présentateurs sont filmés légèrement en plongée.
À l'inverse, à d'autres moments du journal, le plan est tellement large qu'on voit la table + le buste du journaliste en entier. Ce qui contredis la volonté de proximité avec le téléspectateur. Entre ce plan large et le gros plan, il n'y a pas de juste milieu alors qu'une bonne dizaine de cadrage, plus ou moins rapprochés, sont possibles sans tomber dans l'excès invasif du très gros plan actuel.
Mais plus largement, c'est un problème des réalisateurs de télévision en France. On constate les mêmes défauts dans les émissions de divertissement ou dans les talk-show. Prenez Quotidien lors des lives. Les artistes sont filmés en tellement gros plan que lorsqu'ils bougent trop, le réalisateur commute sur un plan d'ensemble large (genre louma) pour éviter la nausée et de perdre le cadrage. Mais jamais, ou presque, on ne voit de plan américain, italien ou moyen comme s'ils n'existaient pas. Uniquement des plan poitrine ou des gros plans. Ça traduit une volonté, non pas de mettre en valeur l'artiste ou le groupe sur scène, mais se mettre en avant via la réalisation en l'imposant à l'artiste. Ou comment rater le captage d'une prestation. Bref.
Le nouveau plateau est sinon très beau, bien pensé avec ses différentes zones modulables. La qualité des écrans est vraiment magnifique, leur netteté égale enfin la rétroprojection tout en étant plus lumineux. J'aime bien la zone couleur turquoise, je trouve que ça apporte un côté réaliste, concret, en cassant la ceinture d'écrans. Malgré le fait qu'elle n'ait pas été tournée au même endroit, la boucle vidéo et son traitement font furieusement penser à celle de France 2. D'autant que le cadrage est parfois le même, comme cela a déjà été remarqué plus haut.
Table sympa mais peu statutaire, la mode des tables « patate » est désormais bien lancée depuis le plateau des élections de France 2, conçu par le même décorateur. On dit donc adieu aux tables « string » (triangulaire plus élancée).
À noter, l'apparition de deux micros pieds pour le présentateur, dont les bonnettes dépassent légèrement de la table. Ça donne un effet bizarre.
Venons-en au générique, je n'accroche pas vraiment.
Déjà, on a le même problème de déroulé que celui de M6, à savoir une focalisation sur la France (normal pour un JT français) mais ensuite uniquement sur l'Europe et l'Amérique du Nord, on zappe le reste du monde. C'est un non-sens de ce que doit être un journal télévisé, qui raconte l'actualité du monde entier, pas uniquement de certaines zones. Et c'est aussi un non-sens historique, à l'heure où le centre de gravité international se déplace de plus en plus vers l'Asie, puis devrait aller logiquement vers l'Afrique avec l'explosion démographique. Ce qui est acceptable pour un JT de M6, ne l'est pas pour une édition se voulant référente comme TF1.
Le mélange bleu/or passe, bien que ce soit à la limite du bling-bling, il y a trop d'effets. Ça manque de sobriété pour que ce soit classe. Au contraire, des génériques des soirées électorales/politiques que j'aimais beaucoup mais qui avaient tendance, là-aussi, à en faire trop dans les effets.
Puis ces logos TF1, un gris puis un en couleur, on ne comprend pas bien l'intérêt d'en afficher deux. Il n'y a qu'un logo : celui en couleur. La version grise n'existe que pour une plus grande discrétion sur les programmes. Si c'est pour souligner la transition entre le reste de l'antenne qui a le logo gris et l'information qui a le logo couleur, ce n'est pas très habile. À ce moment-là, il aurait fallu les faire apparaître et disparaître au même endroit. Le plus simple aurait été une introduction à la manière des génériques des dernières élections avec une plongée dans le logo TF1.
La musique est pour moi ratée avec une montée des cordes criardes ; pour les notes de la mélodie on dirait un xylophone et pas du piano, si c'en est bien. On a effectivement perdu le côté anxiogène mais on a perdu en parallèle le côté statutaire et magistral. La première réorchestration de 2006 restera la meilleure pour moi, adoucie tout en restant puissante et prestigieuse.
En revanche, gros coup de cœur pour le bed. Il est magnifique avec ces cordes et cette rythmique, à la fois mélancolique et dynamique. Sublime.
Les synthés sont un peu trop simples à mon goût, les anciens étaient plus subtils avec le nom de l'édition en ouverture et fermeture. Ils ont enfin trouvé la bonne formule pour la titraille du reportage, tout n'est pas dans la même graisse.
Sur le plan éditorial, on note une plus grande utilisation des infographies dans les reportages et c'est bien mieux, on retient ainsi les points essentiels. Elles sont d'ailleurs réussies (comme toujours), bien que l'utilisation et l'omniprésence de ce losange pose question. Il ne fait référence à rien de connu, que ce soit sur le plateau ou dans le reste de l'antenne.
Les cartes sont aussi sympa même si, là encore, ils ne les animent pas à chaque fois sans qu'il n'y ait vraiment de raison de ne pas le faire. Bien dommage pour la cohérence.
Au final, le nouveau plateau est une réussite qui exploite mieux la taille du studio, mais comme pour France 2, il est desservi par une réalisation illogique et assez conservatrice alors qu'elle semble avoir été longuement travaillée. Dommage d'avoir de si beaux outils et de ne pas les mettre en valeur. Voyons les prochaines semaines.